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S2 - Chapitre 9 - Les incendies

Adrien Belloc était dans un état de rage indicible. Il fulminait. La deuxième salve d'incendies ne laissait plus de place au doute. Ces actes étaient criminels. Et pour lui, les coupables étaient tout trouvés : les Bourrel.


— Je suis sûr, avait-il affirmé aux gendarmes dépêchés sur place, qu'ils veulent se venger de moi. Et ils n'ont trouvé que cette solution, le feu. Il faut dire que je les ai poussés dehors au terme d'une vingtaine d'années de contrat et ils n'ont pas apprécié.


Et tant pis, s'il s'arrangeait un peu avec la vérité... Il ne dirait pas que les Bourrel, asphyxiés par la pression qu'il exerçait sur eux et la peur des mauvais traitements qu'il aurait pu infliger à Hélène, les avait poussés à trouver un autre contrat. dans l'urgence. Non, il ne le dirait pas. Jamais. Belloc détestait tellement ses anciens métayers que, n'étant pas pleinement persuadé de leur culpabilité, il voyait en ces incendies le moyen de leur faire payer de toute façon l'affront de leur départ. Coupables ou non.


La réputation de Belloc courait tout le Lauragais. Il passait pour un homme dur, avide impitoyable. Peut-être n'était-il pas aussi mauvais homme qu'on le disait mais ses affaires passaient avant tout et il avait horreur qu'on lui résistât ou qu'on se mît en travers de son chemin. S'il allait rarement à la confrontation directe, il utilisait tous les moyens d'influence, toutes les relations dont il disposait pour parvenir à ses fins. Les incendies des hangars de deux des ses métairies l'inquiétaient mais il était surtout affecté par le fait que ces feux dévoraient sa réputation. Quelqu'un se jouait de lui et la rumeur à son endroit était sûrement dévastatrice. personne pourtant n'oserait lui répéter ce qui se disait à Penens ou sur les marchés de la région à son sujet. Il se moquait qu'on pût le qualifier d'avare, de méchant homme ou de machiavélique, il ne voulait surtout pas qu'on le taxât d'une quelconque faiblesse.

Il exigeait des coupables. Le plus rapidement possible.




Les jours qui suivirent l'embauche de Marcel à la Borde Perdue furent tranquilles et plaisants. Le jeune homme, avait déployé son baluchon sur le galetas, près de la paillasse où il dormait et s'est fait un coin qu'il jugeait douillet avec ses maigres affaires. Il ne rechignait pas à travailler et on le sollicitait pour des tâches très variées pendant que Gabriel et son père poursuivaient les labours. Le tracteur réparé ne semblant plus avoir de velléités de panne, les sillons purent ainsi tranquillement se creuser.


Les premiers jours, Marcel assista tantôt Elia, tantôt Hélène dans les besognes du quotidien. Enlever le fumier de l'étable, refaire les litières, trier les pommes de terre pour enlever celles qui pourrissaient au grenier et menaçaient la conservation du stock familial, bêcher le potager, débiter du bois furent parmi ses première missions.


Souvent Elia le rabrouait et l'envoyait aider sa petite-fille :


— Je n'ai pas besoin de quelqu'un dans mes pattes quand je travaille, s'agaçait-elle.


Elle n'était pas très enthousiaste à l'idée d'embaucher un brassier et avait longtemps argumenté sur le coût trop important que cela représentait. Germain avait tranché pourtant : le départ de Louise et la blessure de Léonce mettaient trop à mal l'avancée de l'exploitation familiale. Bacquier lui-même en avait fait le constat. Dont acte. Mais Elia dut reconnaître assez vite que Marcel abattait un travail considérable et rendait grand service. Son enthousiasme ne faillissait pas.

Marcel préférait toutefois partager les activités d'Hélène. La jeune fille lui plut d'emblée et il considérait comme un privilège le fait de l'accompagner pour quelque labeur que ce fût, s'arrangeant même pour les prolonger, les peaufiner ou trouver quelque corvée supplémentaire.


les premières heures, ils n'échangèrent guère malgré les tentatives du gagé. La jeune fille, un peu intimidée, se contentait de lui donner quelques indications mais n'osait engager de véritable conversation et rougissait toujours lorsqu'il lui posait des questions.


— Est-ce que je remets de la paille ici aussi ? demandait-il


Ou bien :


— Hélène, vous ne pensez pas que le tas de pommes de terre devrait être plus étalé ?


Elle répondait en dodelinant de la tête ou par de petites onomatopées tout juste compréhensibles, rarement davantage.


Un matin, il fut décidé de lancer les préparatifs le ramassage du maïs. Pour cela, sous le hangar, Elia, Hélène et Marcel procédèrent à une vérification des sacs de jutes qui le contiendraient. Marcel décrochait les ballots de saches roulées attachés sous les poutres par Gabriel lors de leur installation à la Borde Perdue. Il les calait sur son épaule puis, avec beaucoup de prudence et de dextérité, descendait un à un les barreaux de l'échelle avant de les déposer sur le sol en terre battue.

Là Elia, munie d'un couteau à la lame bien aiguisée, rompait la corde et les déroulait. Cela s'accompagnait de poussière qui les faisait parfois éternuer. Chaque sache était scrupuleusement examinée. Et lorsqu'une était identifiée comme porteuse d'une déchirure ou d'un trou, elle était mise de côté pour être reprisée avec de la grosse ficelle.


Léonce s'était installé sur un petit banc à proximité et observait la scène sans pouvoir toutefois s'empêcher d'y glisser son grain de sel.


— Et celle-là, là-bas ? Il n'y a pas un accroc ?

— Je viens de la vérifier, pestait Elia. Alors, non, il n'y a pas d'accroc...

— Si maintenant on ne peut plus rien dire... Moi ce que je dis, c'est pour rendre service.

— Ce qui nous rendrait service, et à pas à peine, c'est que tu regagnes le coin de la cheminée avec ta patte folle. On se débrouille !

— Se moquer d"'un blessé n'est pas une chose très reluisante. Si tu crois que je ne ronge pas mon frein à me voir diminué comme ça ! Hein, Marcel, qu'est ce que tu en dis ? Se moquer comme ça, je ne sais pas ce que tu en penses mais ce n'est pas correct !

— Ne prends pas ce petit à partie ! Tu le gênes !


Helene lançait à son nouveau complice des œillades mi-navrées mi-amusées devant les tirades de ses grands-parents. Mais Marcel dont on ne savait encore qui il était ni ce qu’il avait vécu n’était pas un gamin qui se laissait impressionner par quelques algarades.

— Ce qu’il est sûr c’est que vous, vous l’avez vidé, votre sac ! lanca-t-il en direction des deux querelleurs.


Cela eut pour conséquence immédiate de faire eclater Léonce d’un rire tonitruant qui partit se heurter aux solives du hangar.


— Ah, décidément, je l'aime bien ce petit ! Toi, Marcel, si les petits cochons ne te mangent pas, tu iras loin...


A ce moment précis, le petit Henri tirant sa mère par la main se présenta devant le hangar. Il voulait voir les travailleurs mû par la curiosité naturelle de l'enfance. Cependant, Solange lorsqu'elle se rendit compte de la présence de Léonce fit faire demi-tour au petit garçon.


— Viens, viens, Henri, allons plutôt voir Germain. Je crois qu'il est au champ du moulin du poivre. Viens donc, on va le voir... persuada-t-elle l'enfant qui obtempéra à contrecœur.


Léonce se rembrunit, piqua du nez et se racla la gorge pour se donner une contenance. Les choses ne s'amélioraient guère et l'altercation qu'ils avaient eue quelques jours plus tôt avait laissé des traces. Leurs relations étaient désormais glaciales. Le vieil homme ne parvenait pas à s'y résoudre et il savait tôt ou tard qu'il crèverait l'abcès. Il ignorait encore le moment ou les circonstances qu'il choisirait mais il n'en resterait pas là.


— Je vais rentrer, il ne fait pas très chaud quand on est immobile, dit-il simplement en se levant à grand peine.


il s'appuya au mur de pierre mais interrompit son mouvement. Il avait aperçut au bas du chemin un véhicule qui venait en leur direction.


— Tiens ? Une fourgonnette ? dit-il en plissant les yeux pour mieux y voir. M'est avis qu'elle ne nous apporte rien de bon, seulement des problèmes...


A suivre...


Rendez-vous la semaine prochaine pour le dixième épisode de cette saison 2, intitulé "La récolte du maïs "


Retrouvez l'ensemble des épisodes parus dans l'onglet "Blog" du site : https://www.bordeperdue.fr/blog

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